En compagnie de Rick Bass, Pyrénées 2008.


Extraits d’une chronique “verte et vagabonde”

Editions Rivages 2009

A Arbas, avec Rick Bass et François Arcangeli (à gauche de l’ours)

Eglise de Cominac 2008, avec François Gavillon et Rick Bass

À la cabane de Francis Chevillon

Photos : Antonin Borgeaud,

François Gavillon et Florence Thinard

Il était une fois dans les Pyrénées…

Église de Cominac 1906, avec les montreurs d’ours

Vallée d’Aspe, le lendemain…

Jean-Jacques Camarra et Rick Bass

English
versionWith_Rick_Bass.htmlWith_Rick_Bass.htmlshapeimage_2_link_0shapeimage_2_link_1

Francis nous remet sur le bon sentier. Les géotrupes y abondent. Ces bousiers se régalent comme il se doit d’excréments et de charognes. De forme arrondie, ils sont d’un beau bleu métallique. Un instant, notre ami berger se penche sur les insectes et nous confie qu’il aimerait bien avoir une bague de cette couleur-là. Nous observons ensuite un couple de gypaètes barbus. Les rapaces sont à bonne distance mais nous conservons le silence. Une centaine de mètres plus loin, la forêt nous engloutit.

L’idée prime parfois sur la réalité. Il y a peu de chance que nous voyions des ours, mais il est bon à l’esprit de les savoir là encore dans la montagne…

            Sur la trace des derniers ours bruns…

Arbas est une petite commune de Haute-Garonne où, selon certains, on “cultive l’adoration de l’ours…” C’est sans doute un peu vrai. Havla, Balou et Sarousse y furent relâchés en 2006, ce qui suffit déjà à révéler l’engagement et l’obstination d’un homme. François Arcangeli vient d’entamer son troisième mandat de maire, preuve s’il en est que certaines valeurs peuvent se partager. François Arcangeli ne manque pas de courage…

Cominac domine la vallée. Les granges et les maisons sont dispersées sur la pente. Entre elles, les prairies sont fleuries. Le ciel est bas et menaçant. Il y a une étrange ambiance, un agréable silence. Le temps paraît suspendu. Nous marchons jusqu’à l’église, bien connue pour une scène immortalisée par une série de cartes postales. C’était en 1906. Une loi venait de promulguer la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ce dernier procédait à l’inventaire du clergé. A Cominac, on ne l’entendit pas de cette oreille. Le curé mobilisa ses ouailles et le percepteur fut accueilli de pied ferme. Les images montrent le curé devant l’église, entouré par des montreurs d’ours. Le percepteur rebroussa chemin…

Tant de beauté réjouit le marcheur.

Le chemin mène à des estives. Ça monte et ça descend. Jamais ou presque la pente n’est brutale. Nous ne partons pas de très haut et nous n’irons pas très haut non plus, mais nous marcherons longtemps, à la queue leu leu.

Nous sommes au milieu des arbres. Nous goûtons à ce que Rick appelle “la symphonie magique des forêts”. Nous ne parlons guère. Parler dans la hêtraie que nous venons de traverser serait sacrilège.

Jean-Jacques Camarra est biologiste et défenseur de l’ours depuis plus de trois décennies. Il connaît bien des sentiers que les ours affectionnent et a conçu un système de mesure d’empreintes astucieux qui lui permet de reconnaître chacun d’entre eux.

Jean-Jacques nous conduit au bout d’une piste, ce pourrait être le bout du monde. Nous remontons un sentier jusqu’au col d’Arras. Jean-Jacques nous montre un endroit, en contrebas, où il vit un ours un jour, et je suis tout près d’espérer qu’à cette seule évocation le fauve apparaîtra de nouveau, comme par magie. Ça ressemble à une gorge profonde, à un fjord. Jean-Jacques imagine que viendrait la mer, là, sous nos pieds. Les hommes sont beaux lorsqu’ils sont remplis de convictions et de rêves.

La forêt s’ouvre bientôt et nous découvrons de grandes falaises propices aux hiboux grands-ducs et aux faucons pèlerins. Un vautour fauve donne la mesure de ce paysage grandiose. D’un coup d’aile, il pourrait franchir la distance qui nous sépare de la grange Rouglan, l’endroit où fut tuée Cannelle. C’est le dernier objectif de notre voyage. Rick tenait absolument à venir sur le lieu du crime et se recueillir.

Un témoignage de Rick Bass —2011


Mon grand ami Pascal Dessaint est une force de la nature. J’ai eu la chance de passer quelques jours avec lui, dans ses Pyrénées qu’il aime tant, rencontrant des bergers, buvant du vin, mangeant du chocolat et du fromage frais en attendant d’apercevoir l’un de la poignée d’ours bruns vivant toujours dans ces montagnes.

On ne peut imaginer d’hôte plus merveilleux. D’après ce que j’ai pu voir, il commence ses journées tôt et les termine tard, en emplissant de joie chaque instant que la vie lui apporte. Une telle joie est contagieuse et la sienne, mystérieusement, semble inépuisable : c’est comme s’il possédait des réserves intarissables qu’il peut partager à loisir.

Nous n’avons pas rencontré d’ours, mais à chaque pas que nous faisions, que ce soit sous une pluie de printemps torrentielle ou sous un soleil dont les rayons dorés étaient filtrés par les couronnes des arbres à nouveau verdis, Pascal arborait un grand sourire en s’empressant de respirer le grand air de la nature sauvage.

En ville, l’hospitalité de Pascal et de sa famille était tout aussi fantastique. Chaque nuit, nous préparions notre repas au-dessus d’un barbecue, peu importe s’il tombait des trombes d’eau ou si c’était une nuit claire et étoilée. C’est peut-être ce qui distingue les vrais hôtes et hôtesses : Savoir faire en sorte à ce qu’un voyageur loin de chez lui se sente comme à la maison, que ce soit dans les montagnes ou les cités de France ou bien encore dans les petits villages entre les deux. Où que nous nous trouvions, Pascal a su faire ça pour moi, avec son enthousiasme constant, irradiant de joie vis-à-vis des miracles de la vie prise, dans son ensemble ou dans ses petits détails. Je suis heureux et honoré de l’avoir comme ami, j’admire beaucoup et sa personne et son travail, sa philosophie.